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Une brigade Scorpion au banc d’essai

Texte : ADC Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 22/02/2024 - Mis à jour le : 27/02/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 12 minutes

Du 23 novembre au 4 décembre 2023, une brigade interarmes ʺscorpioniséeʺ a participé à une expérimentation technico-opérationnelle d’envergure dans les camps d’entraînement de Champagne. Cet événement constitue le deuxième jalon dans la modernisation des capacités de l’armée de Terre. Il vise à éprouver l’ensemble des nouveaux systèmes de la brigade dans des conditions tactiques réelles.

Un nouveau chapitre de l'ère Scorpion s’est écrit dans les camps de manœuvre de Champagne. La première brigade interarmes Scorpion (BIA-S) -la 6e brigade blindée légère (6e BLB)-, a été déployée dans la région Grand Est afin de participer à une expérimentation technico-opérationnelle (Exto).

Conduite du 23 novembre au 4 décembre, celle-ci fait suite à la première projection d'un groupement tactique interarmes (GTIA) Scorpion en 2021 et constitue donc le deuxième jalon opérationnel majeur de la transformation de l’armée de Terre, notamment avec le renouvellement de ses capacités (programme Scorpion).

L’objectif de cette expérimentation est de tester la brigade numérisée dans un environnement tactique réaliste, incluant des élongations significatives. « Six mois de préparation, ponctués de phases d'appropriation de nos nouveaux outils, ont été nécessaires. Cet exercice vise à contrôler la robustesse de l’ensemble de nos matériels et des systèmes d'information, ainsi que les connectivités de la chaîne de commandement. Une épreuve du feu », souligne le général de brigade Valentin Seiler, commandant la 6e BLB.

Au total, 500 véhicules et 3 700 soldats ont manœuvré dans l’est de la France, soit 3 GTIA, armés par le 21e régiment d’infanterie de marine (21e RIMa), le 2e régiment étranger d’infanterie (2e REI) et le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC). Un SGTIA belge participait également à l’événement. Pendant 10 jours, la BIA-S a conduit une manœuvre rétrograde contre une brigade mécanisée de taille équivalente : une défense mobile permettant de freiner l’avancée de l’adversaire en infligeant des pertes.

Combattre plus loin

Pour surclasser l’ennemi, la brigade Scorpion peut compter sur ses blindés modernes comme le VBMR Griffon et les Jaguar, et leurs équipements de dernière génération.  Ainsi, elle s’appuie sur l’infovalorisation et la connectivité : la première consiste à partager l’information plus rapidement entre tous les acteurs via le Système d’information du combat de Scorpion (SICS), la seconde transmet l’information sur de plus longues distances grâce au logiciel STCE.

Ce dernier unifie l’ensemble des réseaux radio et satellitaire pour créer l’équivalent d’un intranet de la brigade permettant à celle-ci de joindre toute unité mise en réseau. De plus, la connectivité bénéficie des postes radio de nouvelles générations “Contact”. Ils apportent qui doivent apporter une meilleure fluidité tactique pour les SGTIA.

Combiner connectivité et infovalorisation permet d’augmenter les élongations du champ de bataille pour combattre plus loin et plus dispersés, tout en ayant une meilleure compréhension du champ de bataille et des intentions de l’ennemi.  « Les unités ne sont pas contrôlées sur cette manœuvre d’ampleur. Ici, la tactique sert l’expérimentation », précise le colonel Lionel, officier de programme de la Section technique de l’armée de Terre (STAT).

Pendant un an, lui et son détachement ont contribué à l’élaboration du scénario de l’Exto, jusqu’au contrôle de chaque équipement en amont de l’exercice, pour partir sur une base optimale.

Ce dernier a mis sur pied des Task force composées de spécialistes de la STAT dans différents domaines. Elles sont chargées d’aller au contact des unités pour contrôler la performance des équipements, tout en facilitant leur appropriation par leurs utilisateurs. Elles ont également pu échanger en direct avec les industriels de Défense présents sur l’Exto.

« Complet et intuitif »

Du poste de commandement de la brigade au groupe de combat au contact, la connectivité a été éprouvée sur l’intégralité de la chaîne de commandement. Dans leur VBMR Griffon, les fantassins du 21e RIMa ont mis en œuvre la nouvelle version du SICS (1.2), dont quelques-uns associés au poste radio “Contact”.
 

Une fois sortis des blindés, les marsouins ont utilisé le SICS dit “débarqué”. Toujours connectés, le chef de section et ses chefs de groupe continuent de bénéficier de l’infovalorisation. Posté dans un fossé à une cinquantaine de mètres de son véhicule, le sergent Alexandre, chef de groupe, suit en temps réel la localisation de ses équipiers depuis son crosscall.

Sur l’écran, il voit immédiatement si la liaison radio avec son chef et ses hommes fonctionne. « On gagne aussi en discrétion. Plus besoin de crier mes ordres et de faire des déplacements inutiles. Néanmoins, il est primordial de maintenir nos fondamentaux en sortant la tête du terminal et de garder le visuel sur la tactique et le terrain », conclut-il.

Le PC brigade, quant à lui, s’est vu doté d’une nouvelle capacité déterminante avec l’emploi du système d’information des armées commandement et contrôle (SIA C2). En phase de certification par la STAT lors de l’Exto, ce dernier constitue une brique supplémentaire d’infovalorisation entre la brigade et les échelons opératifs supérieurs (division, corps d’armée) qui permettra à termes de disposer d’une chaine de commandement infovalorisé de bout en bout, de la division à la section.

« Prendre l'initiative sur mon adversaire »

Le poste de commandement doit aider le chef à commander : il lui apporte les informations nécessaires à sa compréhension de la situation tactique, lui présente des options afin qu’il puisse prendre des décisions et l’appuie dans la transmission de ses ordres et dans le contrôle de leur exécution.

Grâce au SIAC2, le PC de la BIA-S bénéficie de la numérisation de l’espace du champ de bataille : géolocalisation des troupes amies, incrémentation des renseignements sur la situation ennemie, travail collaboratif entre les différentes cellules de l'état-major et émissions d’ordres numérisés aux unités.

« À terme, le SIAC2 me fournira des informations instantanées et actualisées par des capteurs. Grâce à eux, j’analyserai rapidement la situation tactique et déclencherai mes moyens sur le terrain pour acquérir et détruire les objectifs. Avec cet outil numérique je pourrai faire face aux imprévus opérationnels plus efficacement et, in fine, prendre l'initiative sur mon adversaire », ajoute le général Seiler.

Au total, une trentaine de systèmes ont été éprouvés sur les plaines champenoises comme le Griffon SOTM (Sat on the move), doté d’une station de liaison satellitaire Syracuse IV et sa version VOA (véhicule d’observation de l'artillerie). Caché derrière un énorme monticule de betteraves, ce dernier a déployé son mât télescopique. À son extrémité, une boule optronique permet la détection et l’observation des cibles, avec une capacité d’illumination laser.

« La dynamique est bonne »

Dédié à l'observation des terrains et à la détection des positions ennemies pour préparer des frappes d'artillerie, il fait partie des 11 VOA perçus par le 3e régiment d’artillerie de marine depuis septembre. Pour le sergent-chef Nourdin chef d’équipe observateurs, l’évolution est considérable. « Nous sommes désormais dotés d’armement de plus gros calibre avec la 12,7 mm et protégés par un blindage balistique plus performant. Ces avantages nous donnent une plus grande autonomie dans nos missions ».

Télémétrie, caméra thermique et infrarouge… Grâce au mât, l’observation du champ de bataille se fait en toute discrétion, sur une distance plus étendue. De plus, l’équipage dispose d’un aperçu instantané de la situation tactique. Cela a été rendu possible avec la combinaison des logiciels du système Atlas de l’artillerie et du SICS de l’infanterie.

Côté cavalerie, un escadron de 13 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, complète le tableau. Confié il y a 2 ans en expérimentation au 1er REC, cet engin équipé d’un canon de 40 mm, a été testé de nombreuses fois en tirs. Cette fois-ci, il est évalué dans sa fonction manœuvre, dans un cadre tactique.

« La vertu de l’expérimentation est de mettre en lumière le chemin qui reste à parcourir, notamment sur le volet connectivité entre le PC de la brigade et les PC de GTIA qui demande encore maturation, expose le général Seiler. Il y a de très bonnes surprises sur un certain nombre de systèmes. La dynamique est bonne. »

Enfin, un petit état-major divisionnaire a été engagé pour animer le PC brigade. Sa participation ouvre déjà les réflexions sur le prochain grand jalon, prévu en 2027, avec la projection d’une division Scorpion intégralement opérationnelle.

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