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Exercice Mata Toro : de la jungle à la zone urbaine

Texte : LTN Stéphanie RIGOT

Publié le : 15/06/2022 - Mis à jour le : 27/06/2022.

Du 26 mars au 1er avril, le 3e régiment étranger d’infanterie des forces armées en Guyane a conduit un exercice en terrain libre. De la forêt équatoriale à la zone urbaine, en passant par le fleuve, les soldats ont rapidement adapté leurs modes d’action. Machette à la main, TIM s’est rendu au cœur de la selva guyanaise pour l’exercice Mata Toro.

À plus de 7 000 kilomètres de la métropole, en Guyane française, la région savane Roche Virginie accueille du 26 mars au 1er avril plus de 450 soldats pour l’exercice interarmes et interarmées Mata Toro. La mission consiste à atteindre la commune de Régina, fief du bataillon Aguila qui, d’après les renseignements des équipiers de recherche du 2e régiment de hussards, ne laissera pas de répit à la force amie. Pour parvenir à leur objectif, les soldats devront s’infiltrer sur plusieurs kilomètres en forêt, sans GPS ni liaison satellitaire (brouillés par l’ennemi) afin de s’emparer de deux points stratégiques : le pont de Régina et le village de combat.

Au deuxième jour, il est 19 heures, les rayons du soleil disparaissent, laissant place à une nuit sans lune. Le capitaine Louis-Marie, commandant d’unité de la 2e compagnie du 3e régiment étranger d’infanterie (3e REI), explique la première mission : « On part pour trente-six heures d’infiltration sans transmissions, en pleine forêt. L’objectif est de prendre le pont de Régina, au plus tard mardi à 14 heures ». Le campement est rapidement monté et les tours de garde s’organisent. Cette nuit-là rien à signaler. Les soldats, blottis dans leur hamac filet, au ras du sol, sont bercés par les sons nocturnes, parfois inquiétants, de la jungle.

À la carte et à la boussole

Le lendemain matin, le soleil n’a pas encore fait son apparition que les légionnaires démontent déjà leur installation et se préparent au départ. « Pour quarante-huit heures, nous partons avec en moyenne 20 kilos dans le sac. Essentiellement de l’eau et de la nourriture », relate un légionnaire en attrapant son armement. Il est 7 heures lorsque le commandant d’unité lance le début de l’infiltration de 8 kilomètres. La distance peut paraître courte, mais la végétation, le relief, la chaleur, et la discrétion requise, imposent aux troupes de progresser lentement.

Les soldats s’engouffrent dans la forêt. En tête, une équipe guide le reste de la troupe à la carte et à la boussole. Il n’est pas encore 8 heures, que déjà, la température avoisine les 35 degrés avec un taux d’humidité de plus de 96 %. L’avancée est ardue : talwegs glissants, criques boueuses, averses, sans compter les possibles piqûres de scorpion. La visibilité dans la forêt est faible et l’adversaire peut se trouver seulement à 20 mètres.

Prise du pont de Régina

Changement de décor pour le troisième jour. Un pont bitumé traverse le fleuve Approuague. L’ennemi, sur les collines, surplombe la zone forestière, en contrebas de laquelle sont postés les légionnaires. À 500 mètres de la lisière, la section de tireur d’élite contourne la colline pour surprendre l’adversaire à revers. Décelés, les snipers sont pris à partie. L’assaut est donné. « Grenade ! » crie un soldat.

Il est 13 h 30. Les bérets verts s’arrachent de la forêt pour faire face aux soldats du bataillon Aguilla. Une heure d’échange de tirs précède la victoire et la prise du pont pour les hommes du capitaine Louis-Marie. Mais suite à des tirs directs et indirects de l’ennemi, le bilan fictif de ces deux derniers jours est lourd. Le chef des opérations, le lieutenant- colonel Diego du 3e REI, l’avait envisagé : « Les sections de combat pourront arriver sur leur objectif avec 50 à 75 % de pertes ».

Les traits sont tirés, les visages et les treillis trempés. Sourire aux lèvres, le sergent-chef Tiago sort alors de son sac son “motivex” secret : un sachet d’olives vertes, qu’il partage avec sa section. La pause est de courte durée.

Il faut reconditionner le matériel, installer le bivouac et recompléter en munitions, eau et nourriture. Pendant ce temps-là, le poste de commandement (PC) installe ses quartiers aux côtés de la 2e compagnie et le capitaine Louis-Marie prépare ses chefs de section à la mission du lendemain. La tactique va changer. Les soldats combattront sur les berges du fleuve Approuague et s’empareront, avec la 3e compagnie, du camp Szut. L’adversaire sera plus visible ce qui facilitera l’assaut des légionnaires.

Réarticulation rapide

Le lendemain matin, les hommes quittent le campement vers le Nord. Le PC reste sur place. S’étant rapproché de l’ennemi, il ne peut rester sur cette zone qu’un temps limité : pas plus de huit heures ce jour-là, en stade orange. La journée commence avec des ordres, quand tout à coup une explosion détone devant le PC.

« Alerte artillerie ! On dégage ! », hurle le chef des opérations. Un tir d’artillerie étant assimilé pour l’exercice à une attaque chimique, il joint le geste à la parole et revêt son masque à gaz. En moins de deux minutes trente les hommes s’exfiltrent vers la forêt alors que le groupe de protection s’installe dans les positions de combat, en cas d’attaque ennemie couplée au tir artillerie. Fausse alerte. Pas de gaz chimique, cette fois-ci. Chacun retourne à son poste assurer le suivi des opérations.

À moins de 5 kilomètres, sur les berges du fleuve, l’assaut est lancé par la 3e compagnie. Appuyés par l’hélicoptère Fennec de l’armée de l’Air et de l’Espace, et dans un brouhaha de tir de Minimi et de rotor tournant, les soldats triomphent. Ils se réarticulent rapidement. Il leur reste encore 500 mètres de côte à parcourir pour atteindre une nouvelle poche de résistance dans le village de combat Szut.

Au nord, la 2e compagnie a d’ores et déjà infligé plusieurs coups durs à ses rivaux qui se repositionnent au centre du village. L’attaque simultanée et puissante dure trente minutes. Dans cet espace dégagé, les premiers comptes rendus des compagnies parviennent enfin par moyen satellitaire au centre des opérations. La zone est tenue mais l’environnement proche reste hostile. Les soldats assurent la surveillance des abords durant la nuit alors que quelques mètres plus loin une équipe se prépare à mener une autre infiltration.

L’ennemi asphyxié

Munis de leurs palmes et de leur 30 kilos d’équipement, six plongeurs s’apprêtent à parcourir près de 2 kilomètres en une heure trente dans l’obscurité la plus totale. « Notre mission est de nous infiltrer par le fleuve afin de sécuriser un embarcadère avant que n’arrive au petit matin la 3e compagnie », explique l’adjudant Anthony, plongeur du 17e régiment du génie parachutiste. Grâce à leur renseignement, à l’aube du dernier jour, la 3e compagnie embarque à bord des quinze pirogues. Élancées à vive allure, celles-ci ralentissent brusquement à l’entrée du cours d’eau à proximité de la commune

À peine débarqués, les soldats doivent adapter leur stratégie d’attaque au vu des étendues dégagées, parsemées de routes et de bâtiments. Une aubaine pour l’hélicoptère de manœuvre Puma qui dépose en trois rotations une section entière, pour un assaut sur la position des mortiers ennemis. Bond par bond, bâtisse par bâtisse, les soldats se dirigent vers le centre du village où l’ennemi se retranche.

Au même moment, les hommes du bataillon Aguilla abattent le maire. Son adjoint doit être exfiltré au plus vite. Plus au sud, la section d’aide à l’engagement débarqué (SAED) se prépare. Sous les regards intrigués des habitants, en sept minutes, le groupe d’élite surgit du fleuve en pirogue. Il est 12 h 27, l’ennemi est enfin asphyxié. L’assaut a duré quatre heures trente. Pour le chef de corps du 3e REI, le colonel Amaury Poirier-Coutansais : « Le bilan est très positif. J’ai vu des hommes motivés et rustiques ». Sur cet exercice, en forêt, sur le fleuve, ou en zone urbaine, les soldats ont prouvé leur capacité à combattre en haute intensité.

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