Marc Bloch, historien, combattant et résistant
Texte : Lieutenant Morgane Astier, Service historique de la Défense
Publié le : 24/07/2025.
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Né en 1886, l’historien Marc Bloch est un républicain et patriote affirmé. Habité par le sens de l’engagement, il révolutionne sa discipline et participe aux deux conflits mondiaux. Il s’enrôle dans la Résistance après la capitulation française. Arrêté en 1944, il est fusillé par l’ennemi. Il laisse un héritage intellectuel considérable que l’actualité invite à redécouvrir. Le président de la République a annoncé son entrée au Panthéon cette année.
Au début du XXe siècle, la vision de l’histoire de Marc Bloch est résolument une vision moderne voire révolutionnaire. Pour cet agrégé d’histoire spécialiste de la période médiévale, « un historien a pour premier devoir de s’intéresser à la vie ».
Il critique la vision trop politique de sa discipline en France et dénonce une approche restrictive se focalisant principalement sur les grandes figures. Pour que l’histoire devienne une vraie science, elle doit s’attacher aux régularités, à comparer les objets étudiés. Elle doit dialoguer avec les autres disciplines. Il place au cœur de ses recherches l’anthropologie, l’étude des mentalités, l’économie et la sociologie...
L’enjeu : l’étude des sociétés. Ainsi, il fonde avec Lucien Febvre les Annales d’histoire économique et sociale (1929). Engagé, il collabore jusqu’au bout à cet ouvrage collectif. L’Histoire justement, il entend y prendre part. Car March Bloch, ce juif optant est un patriote assumé.
Un optant est une personne originaire d’Alsace ou de Moselle qui, après l’annexion de ces territoires par l’Allemagne en 1871, a choisi de conserver la nationalité française en quittant la région annexée.
L’inconscient collectif
Sous-lieutenant en mars 1916, il est déployé sur le front de l’Argonne. Dans la nuit du 24 au 25 mars 1916, le jeune officier Marc Bloch commande un détachement de grenadiers chargés de fixer l’attention de l’ennemi. Cette opération permet la capture de plusieurs prisonniers sans souffrir de pertes. En octobre 1917, il occupe la fonction d'officier de renseignement dans les secteurs de Vauxmaires et de Froidmont (Aisne).
Alors que son observatoire est détruit par un bombardement, il poursuit sa mission permettant de fournir au commandement de précieuses informations sur « la physionomie du combat ennemi ». Promu lieutenant en mars 1918 puis capitaine en août, il exerce la fonction d’adjoint au chef de corps. Alors que le régiment combat dans les Vosges, il se distingue par « un réel sens tactique » et se signale en organisant le service d'observation.
Sa parfaite maîtrise de l’allemand et de l’anglais constitue un atout, tant dans les interrogatoires de prisonniers que dans la coopération interalliée. Décoré de la Croix de guerre 1914-1918, il est nommé Chevalier de la Légion d’honneur (1920). En bon historien, il retranscrit son expérience dans des carnets récemment publiés sous forme de Souvenirs de guerre.
De ce premier conflit, il retient deux choses : l’effacement des différences sociales face au danger et le rôle de la rumeur. Pour lui, l’étude sur la propagation des fausses nouvelles constitue une fenêtre vers l’inconscient collectif. Il approfondit son étude dans Les rois thaumaturges.
La défaite ne convainc pas
En 1940, à 53 ans, Marc Bloch, père de six enfants, s’engage à nouveau. Il sert au sein du Service des essences de la Première Armée et est, de nouveau, décoré de la Croix de guerre. Il assiste à l’effondrement de la France et de son armée. Soucieux de transmettre, il analyse les causes de la débâcle via la rédaction d’un opus publié à titre posthume, L’étrange défaite.
Il y critique à la fois les failles du commandement incapable de penser l’imprévu, aux dérives politiques et enfin, aux refus sociétal de participer à l’effort de la nation armée. La société serait enfermée dans un certain conformisme. Acteur et penseur, il utilise son expérience pour comprendre les difficultés face aux changements. Il conclut sur la nécessité de l’élan et de la mobilisation collective.
La défaite ne convainc pas Marc Bloch de cesser le combat, au contraire. Malgré des problèmes de santé et privé de son droit d’enseigner en raison de ses origines, il met son expérience au service de la Résistance. Sous le pseudonyme de Narbonne, il coordonne et effectue la liaison entre différents groupes des Mouvements unis de résistance. En parallèle, il réfléchit à la reconstruction de la société post-Libération aux côtés d’une autre grande figure, Jean Moulin.
Arrêté sur dénonciation à Lyon en mars 1944, il est interné à la tristement célèbre prison de Montluc. Torturé, il ne parle pas et est fusillé, en juin, au bord d’un champ dans l’Ain. « Il meurt comme [il a] vécu, en bon Français ». Médaillé de la Résistance française, Marc Bloch est promu lieutenant-colonel à titre posthume.