Une stèle pour les soldats
Texte : Tanguy de Maleissye
Publié le : 13/05/2025 - Mis à jour le : 14/05/2025.
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« Faire vivre la mémoire de nos camarades » : une ambition portée par les officiers-élèves de la promotion "Ceux du Sahel" de l’École militaire interarmes. Avec l’aide de l’atelier de sculpture Missor, ils érigeront prochainement un monument en hommage aux 59 soldats tombés au cours des opérations Serval et Barkhane.
Comme sortis d’un autre siècle, en chemise, bretelles et chaussures de ville, les artistes de l’atelier Missor exécutent avec minutie les différentes étapes de la sculpture en bronze. Cette technique de création qui remonte au troisième millénaire avant Jésus Christ, permet de figer dans le métal la mémoire des "Grands de ce monde". De la statuette au monument, tous sont des témoignages silencieux du passé.
« Les officiers-élèves de la promotion "Ceux du Sahel" ont fait appel à l’atelier pour réaliser une statue de taille réelle. Celle-ci rend hommage aux soldats qui ont donné leur vie lors des opérations extérieures Serval et Barkhane. Il est de notre devoir de transmettre leur mémoire », explique le sous-lieutenant Pierre, porteur du projet.
L’Ecole militaire interarmes (EMIA) forme, en deux ans, les militaires qui, ayant servi comme militaire du rang ou sous-officiers, ont réussi le concours interne pour devenir officier. Plus d’un tiers des élèves de la promotion 2023-2025 ont été engagés au Sahel. Tous portent le souvenir de leurs camarades morts en opération. « Ils étaient nos frères d’armes. C’est pour nous une évidence d’honorer leur sacrifice en portant ce nom et en érigeant un monument dans l’enceinte de l’école », reprend-il.
Entretenir la mémoire
Après avoir donné la forme souhaitée à l’argile, l’artiste Missor confie la sculpture à ses coéquipiers pour qu’elle soit coulée en bronze et produite en série limitée. Elle doit d’abord être moulée en "négatif" dans de la silicone. Puis vient la technique dite de la "cire perdue" : faire couler le liquide chaud dans le moule pour qu’il durcisse en gardant tous les détails de la forme. Du plâtre va ensuite enrober la matière pour créer un second négatif cassable, dans lequel on fera durcir le bronze fondu à 1 300 C°.
« C’est un travail qui demande beaucoup d’énergie et de concentration, commente Missor, chef de la fonderie. Mais nous sommes animés par la volonté d’entretenir la mémoire de ceux qui ont fait ce monde. » Lorsque les jeunes officiers ont fait appel aux artistes, un enthousiasme commun s’est créé : tous se battent pour transmettre une flamme. Ceux qui se sacrifient donnent un code de conduite, et c’est en les perpétuant que l’on fait vivre ceux qui ont donné leur vie.
Porté par les mêmes valeurs, ce partenariat s’exprime d’abord par une visite de l’académie militaire de Saint-Cyr Coëtquidan pour que l’atelier puisse s’inspirer du milieu et proposer un premier croquis. « La stèle représentera deux soldats avec des équipements contemporains, les plus fidèles possible, ajoute le sous-lieutenant. Elle sera inaugurée au mois de juin, à l’occasion de la journée nationale des Blessés. » Fort de cette collaboration, l’atelier Missor espère pouvoir renouveler ce type de partenariat avec les armées.
Figer pour transmettre
La sculpture en bronze sera située à proximité du musée de l’Officier : elle sera visible de tous. « Le monument touche toutes les catégories, affirme Pierre. Il sera un lieu de recueillement mais aussi de souvenir et de rencontre pour les militaires et les familles des soldats du Sahel. »
L’aspect classique des statues produites par l’atelier a suscité un engouement auprès de la promotion. Le monument trouvera sa place parmi les centaines de stèles commémoratives qu’abrite le camp de Coëtquidan.
De nombreuses effigies des héros de l’histoire militaire française partagent le quotidien des élèves, les inspirant et forgeant l’engagement de ces futurs chefs. « N’oublions pas le sang versé par nos anciens et soyons fiers de notre héritage pour affronter l’avenir. »