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Le Caesar en plein boum

Texte : ADJ Anthony THOMAS-TROPHIME

Publié le : 14/11/2023 - Mis à jour le : 23/11/2023. | pictogramme timer Temps de lecture : 6 minutes

La fabrication du canon Caesar s’est intensifiée depuis presque un an. Objectif : recompléter le parc français et honorer les commandes étrangères. Pour cela, le principal équipementier de l’armée de Terre KNDS comprenant Nexter, a transformé ses lignes de production pour s’inscrire dans la durée. De la canonnerie de Bourges à l’usine de Roanne, les ouvriers sont à pied d’œuvre.

Une odeur mêlée d’huile et de métal chaud flotte dans les ateliers de la canonnerie de Bourges. Unique en France, la manufacture du groupe industriel KMW+Nexter Defense Systems (KNDS), fabrique la majorité des canons de l’armée française. Suspendu par une sangle de levage, un long tube d’acier de neuf mètres traverse un bâtiment, guidé par un technicien. Rompu à la manœuvre, il le dépose sur un rack de rangement.

À première vue, l’ébauche métallique semble banale. Pourtant, sous sa robe tachetée de rouille, se cache un concentré de savoir-faire d’exception. Provenant des forges françaises Aubert & Duval, l’acier possède une haute résistance mécanique et supporte des températures élevées. Son brevet est d’ailleurs une recette jalousement gardée.

Tels des orfèvres façonnant des métaux précieux en bijoux, les employés de la canonnerie transforment le tube pour en faire un canon de 155 mm /52 calibres , soit la pièce maîtresse du Caesar. Mis en service en 2008 dans les régiments d’artillerie de l’armée de Terre, ce système d’arme délivre des frappes puissantes, avec une précision redoutable.

Afghanistan, Mali ou encore Irak, il s'est illustré lors de tous ses précédents déploiements. Aujourd’hui encore, il démontre ses capacités dans les conflits de haute intensité, notamment en Ukraine. En effet, la France a livré plusieurs Caesar à l'Ukraine, pour l'aider à se défendre contre l'invasion russe.

200 tubes par an

Sur le front, une cadence soutenue de tirs sont réalisés chaque jour. Les tubes, des pièces dites “consommables”, subissent de fortes contraintes.

Forage, alésage, auto-frettage, rayage… Réaliser un canon capable de tirer des obus de 40 kg à 40 kilomètres de distance nécessite une trentaine d’opérations d'usinage, de contrôle et de traitement. « Avec 3 tonnes d’acier, nous sortons un canon de 1,8 tonne. Cela représente neuf mois de travail environ. »

Chaque Caesar est livré avec une dotation de tubes de rechange qui varie selon le contrat. L’usine berrichonne sort 200 tubes par an. S’ajoute à cela la fabrication d’autres éléments : la culasse qui assure l’étanchéité, le frein de bouche, l’affût en alliage mécano-soudé, capable d’absorber 90 tonnes de poussée et le lien élastique, un ensemble d’éléments hydrauliques assurant le guidage, le recul, et la remise en batterie du tube.

Pour finir, le système d’aide au chargement de l’obus complète la bouche à feu. KNDS a investi 150 millions d’euros sur ses fonds propres pour constituer un stock aux prémices de la crise ukrainienne. Elle s’est aussi dotée de machines modernes afin de réduire les délais de fabrication.

Au goût du jour

À l’heure de l’embauche, le vaste parking de l’usine KNDS de Roanne est bondé comme un hypermarché à la veille de Noël. Le site d’une superficie de 100 hectares tourne à plein régime avec la fabrication des véhicules blindés de l’armée de Terre, dont le Serval, le Griffon et le Jaguar.

L’ambition de la manufacture ligérienne est de passer d’une production de 150 à 450 véhicules par an dès 2025, sans compter la poursuite du maintien en condition opérationnelle des VBCI et la rénovation de 200 chars Leclerc. Pour ce faire, l’entreprise a doublé ses effectifs, passant de 700 à 1500 salariés.

De plus, la crise ukrainienne a remis l’artillerie sol-sol au goût du jour avec pour symbole, le canon français. KNDS a anticipé la demande croissante de son produit phare en dimensionnant et réorganisant sa ligne de production dédiée. L’équipementier qui produisait auparavant 2 à 4 Caesar par mois, vise une cadence de 8 par mois en 2024, contre 6 aujourd’hui.

Cette volonté répond au défi du président de la République d’être prêt en cas d’affrontement majeur. Un impératif au cœur de l’économie de guerre à laquelle les industries de Défense sont parties prenantes. Elles doivent fournir sans délai aux armées le matériel et les munitions pour tenir dans la durée dans un conflit majeur. Le Caesar figure dans le ʺtop 10ʺ (établi par le gouvernement), des armes prioritaires à fabriquer en cas de guerre.

La munition, nerf de la guerre

Le hangar bruisse des claquements secs des chargements et du ronronnement des pompes hydrauliques. Assemblage de la bouche à feu sur le châssis, montage du système de navigation et de pointage… Les techniciens s’affairent sur une dizaine de Caesar fraîchement peints en vert. Une fois terminés, ces derniers seront testés et vérifiés à la Direction générale de l'armement pour certification, avant livraison au client.

Cette série complétera le parc de l’armée de Terre. La ligne restructurée est prévue pour absorber les engagements futurs. En plus de répondre aux commandes françaises, KNDS doit aussi honorer celles de la République tchèque, du Maroc, de la Belgique et de la Lituanie.

L’arme seule ne suffit pas. La munition, nerf de la guerre, reste au cœur des préoccupations politiques. L’industriel de l’armement français a pris ce sujet à bras-le-corps. Sa production initiale de 60 000 obus par an, dont 40 000 à l’usine de La Chapelle-Saint-Ursin (Cher) et 20 000 en Italie, augmentera de 50 % d’ici à 2024.

L’activité sera même doublée en 2025 à la prochaine ouverture d’une deuxième unité de ceinturage gros calibre. Pour être prête demain au combat, l’armée de Terre peut compter sur son partenaire industriel. Preuve en est avec le Caesar.

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