L'armée de Terre face au dérèglement climatique
Texte : Aspirant Emilien Lamadie
Publié le : 13/05/2025.
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Fonte des glaces, sécheresse, tornades ou encore inondations et stress hydrique, les effets du dérèglement climatique sont tous plus destructeurs les uns que les autres. Pour l’armée de Terre s’y adapter est un impératif car malgré ces changements, il s’agit de conserver notre capacité opérationnelle. Alors comment l’armée de Terre se prépare-t-elle ? Réponse avec le commissaire général Frédéric Tuset-Anrès, officier général anticipation et synthèse et Bastien Alex, conseiller climat du major général de l’armée de Terre.
Le climat de notre planète évolue. D’ici à 2050 en Irak, c’est plus de 160 jours par an au-delà de 45 degrés qu’il faudra supporter. À l’opposé dans l’est de l’Europe, les températures glaciales risquent d’empirer. Comment intervenir dans de tels milieux, comment s’y adapter ? « Pour l’armée de Terre qui a une forte empreinte terrestre c’est un défi », explique le commissaire général Frédéric Tuset-Anrès, officier général anticipation et synthèse à l’état-major de l’armée de Terre.
Le changement climatique a trois conséquences pour les militaires. Il est d’abord source de nouvelles tensions et de nouveaux risques. Certaines régions deviennent inhospitalières ce qui peut provoquer des migrations et générer des conflits pour l’accès aux ressources, notamment hydriques. Ensuite les zones d’intervention deviennent plus hostiles.
« Cela impose une évolution de nos équipements, de notre préparation opérationnelle, voire de nos modes d'action, notamment dans les zones de très forte chaleur humide, précise le général. Enfin, les armées doivent mettre en œuvre les politiques publiques de réduction d’impact sur le climat, sans risquer d’obérer leurs capacités opérationnelles, qui restent prioritaires.
Préparer les combattants
« Il est difficile de prédire l’ensemble des impacts de l’évolution du climat sur les armées mais des mesures d’adaptation sont déjà prises », reprend Bastien Alex, conseiller climat du major général des armées. Forte de nombreuses expériences des milieux extrêmes, l’armée de Terre prépare déjà ses soldats aux interventions de demain. L’école du désert à Djibouti forme les militaires au déroulement d’opérations sous des chaleurs intenses. À l’opposé, les unités expertes en grands froids peuvent instruire les combattants projetés dans de telles zones.
« Le dérèglement climatique complexifie la logistique mais cela ne dépasse pas nos capacités, ajoute le général Frédéric Tuset-Anrès. Le tout est de pouvoir anticiper les défis pour les prendre en compte lors de la planification ». En matière de préparation opérationnelle, l’armée de Terre doit aussi se préoccuper de préserver ses espaces d’entraînement, comme le camp de Canjuers, le plus grand d’Europe, particulièrement vulnérable au risque d'incendie, qu’aggrave l’augmentation des températures.
Une collaboration inter-milieux
L’enjeu climatique est mondial, la réponse du ministère des Armées est globale et se base sur la collaboration de tous ces membres. « La Brigade des militaires de la Sécurité civile, par exemple, est spécialiste de l’intervention en situation de catastrophe naturelle, soulève le général. Il revient à l’armée de Terre de transmettre cette expertise. »
Les corps collaborent entre eux, chacun fort de sa propre expertise à partager avec les autres. Des entreprises et centres de recherche privés interviennent régulièrement. L’objectif : acculturer les militaires pour faciliter les évolutions. Une priorité pour Bastien Alex. « C’est une des parties les plus importantes de mon métier, à la base de toute grande évolution. » Seulement une fois le sujet compris, les atténuations et modifications seront envisageables.
La France s’inspire des actions des autres pays et forces militaires pour planifier sa propre évolution. Une nécessité pour être à la hauteur de ce défi d’ampleur inédite. Tous ces efforts combinés, le monde militaire est à la hauteur, cherchant toujours à évoluer pour maintenir sa capacité opérationnelle fonctionnelle.
Les scientifiques estiment que d’ici à 2030 la température globale aura augmenté d’1,5 degré. Elle pourrait atteindre 3 degrés en 2050. Les zones les plus arides seraient alors très difficilement vivables et les opérations militaires y seraient déconseillées.