La guerre de tranchées revisitée
Texte : Adjudant-chef Anthony Thomas-Trophime
Publié le : 07/05/2025.
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La guerre de position a évolué depuis la Grande Guerre. Drones, robots, aujourd'hui ce type d'affrontement impose de combattre et de vivre dans un environnement où la menace est permanente. Pour trouver des solutions, le Battle Lab Terre a rassemblé, le 11 février dernier, les acteurs de l'innovation sur la tranchée d'entraînement et de démonstration du camp de Sissonne.
Ni le froid, ni la pluie, pas même les pieds dans la boue n’ont perturbé la journée thématique du combat en tranchée, organisée le 11 février par le Battle Lab Terre (BLT), à Sissonne dans les Hauts-de-France. Bien au contraire. Ces conditions rustiques ont apporté un réalisme propice à stimuler les esprits novateurs.
Le BLT a réuni de nombreux acteurs du domaine terrestre et de l'innovation sur la tranchée du camp de Sissonne : chefs d’entreprises, des militaires du commandement du combat du futur et des écoles d’applications ou encore des personnels de la gendarmerie, des douanes et de la direction générale de l’armement. Objectif ? Nourrir les réflexions au plus près du terrain.
« Nous avons réuni une vingtaine d’entreprises et du personnel militaire et civil de divers services institutionnels sur cette activité à caractère exploratoire. C’est l’opportunité de réfléchir ensemble à des solutions efficaces aux problématiques liées à ce type d’affrontement » explique le colonel Thomas, directeur du BLT.
La guerre de position de 1914-1918 s’invite au cœur de la guerre moderne, un sujet d’actualité comme le montre le conflit russo-ukrainien. À l’instar du Poilu, le soldat du XXIe siècle combat et vit dans ces dédales creusés à même la terre. Pour autant, avec l’avènement de nouvelles technologies, la menace est omniprésente. Les drones de surveillance et d’attaque qui survolent le champ de bataille ne laissent aucun répit aux unités.
Le Battle Lab Terre est intégré à la Section technique de l’armée de Terre au sein du groupement innovation.
« Le bon effet au bon moment »
Des attaques sur des soldats russes ou ukrainiens aux conditions de vie éprouvantes : la diffusion, sur un écran géant, de vidéos, prises sur le front, démontre la vulnérabilité des combattants dans les tranchées. « Ces extraits choisis permettent de comprendre la réalité et ensuite de cibler les besoins, ajoute le capitaine Mickaël. L’enjeu est de développer la capacité des soldats à "être et durer" dans cet environnement. La tranchée a été choisie pour sa ressemblance avec celles que l’on retrouve en Ukraine. »
Une cinquantaine d’objets et de projets, issus du monde civil et identifiés par le BLT ont été présentés à l’assemblée. Si certains sont encore des prototypes, d’autres sont déjà sur le marché. Cela va du matériel de jardinage pour fixer les bâches de camouflage jusqu’à l’engin pour creuser des tranchées en passant par la pompe d’évacuation d’eau chargée, le viseur déporté pour lance-grenades de 40 mm ou encore de téléphones pour communiquer même sous brouillage.
« Quel que soit leur niveau de technologie, nous cherchons la solution pour produire le bon effet au bon moment », complète le capitaine Mickaël. Par ailleurs, pour cibler davantage les besoins opérationnels, la délégation a assisté à une démonstration dynamique avec l’assaut de tranchées, conduite par deux groupes du Centre d’entraînement aux actions en zone urbaine-94e régiment d’infanterie.
« Un retour direct sur nos produits »
Parmi les démonstrateurs, Stéphane Escalier, président et co-fondateur de la société Original custom component, experte en fabrication additive, a présenté deux produits. Une pelle modulable et multifonctions individuelle, suivie d’un réducteur de son. Ce dernier, placé sur un fusil de calibre 12 mm, rallonge la longueur effective du canon et augmente ainsi la portée de tir.
Une solution adaptée aussi bien pour le combat en espace confiné que dans la lutte anti-drone. « En contact avec les utilisateurs, nous avons un retour direct sur nos produits, un échange constructif pour les faire évoluer », se réjouit l’entrepreneur. Disposer de tels équipements, est une chose, faut-il encore les employer à bon escient.
Pour le Commandement du combat du futur (CCF), qui a pour mission d’intégrer les nouvelles technologies et d’anticiper les conflits futurs, cette journée a été instructive pour nourrir les réflexions.
« On constate pour la partie drone qu’il faudra être capable de gérer et conduire des batailles aériennes de basse couche. Une étape cruciale pour faciliter la manœuvre et augmenter la protection de nos forces tout en agressant davantage l’adversaire », explique le colonel Vincent, chef du bureau coordination synthèse à l’état-major du CCF. Par ailleurs, les enseignements de cette journée seront exploités par le CCF pour son événement Tech Terre prévu début juillet.