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Quand les troupes de montagne font trembler les Alpes

Texte : LTN Najet BENZIRAR

Publié le : 23/02/2024. | pictogramme timer Temps de lecture : 5 minutes

La 27e brigade d’infanterie de montagne s’est entraînée sur le grand champ de tir des Alpes à Valloire (Savoie). Pour l’édition 2023 de l’exercice Cerces, les troupes de montagne ont retrouvé une arène aussi hostile que majestueuse. L’ensemble de ces unités -près de cinq cents soldats- étaient aux ordres de l’état-major tactique du 93e régiment d’artillerie de montagne.

2 200 mètres d’altitude par des températures hivernales, le maréchal des logis Aubin prépare le canon de son AMX-10RC. Il est cinq heures du matin lorsque l’escadron du 4e régiment de chasseurs (4e Rch) quitte le bivouac tactique. Après une nuit courte et glaciale, la priorité est de contrôler les engins et le matériel pour débuter la mission. Tous les véhicules doivent être chaînés et camouflés pour se fondre dans le décor blanc des Alpes.

C’est ici que se déroule l’exercice Cerces, auquel participent chaque année, les unités de la 27e brigade d’infanterie de montagne. Dès l’aube, la patrouille du peloton de reconnaissance et d’intervention (PRI) du 4e RCh, constituée de quads chenillés et de véhicules blindés légers (VBL), se dirige en toute discrétion vers le fond de vallée pour atteindre le hameau des Mottets, où l’ennemi est installé.

C’est la première fois que des quads chenillés sont utilisés dans une mission d’infiltration par le régiment. Grâce à leur réversibilité roues-chenilles, ils s’affranchissent de tous les terrains : la boue, le sable ou la neige, comme ici en haute montagne. Grâce au renseignement d’un drone sur la localisation exacte des assaillants, les chasseurs peuvent débarquer de leurs quads. Sans se faire déceler, ils s’équipent rapidement avec des raquettes afin de terminer l’approche. Munis de leur fusil d’assaut HK 416, les soldats neutralisent l’ennemi.

Terrain étroit et verglacé

Face à un adversaire lourdement armé, le commandant d’unité du 4e Rch, le capitaine Florent, décide d’engager la puissance de feu des AMX-10RC. Dès lors, le 1re classe Louis doit réussir à manœuvrer en toute sécurité cet engin blindé de vingt tonnes, sur un terrain étroit et verglacé.

De son côté, son camarade Alexis pare la tourelle avec une mitrailleuse d’appui général, communément appelée MAG 58 et des obus pour le canon de 105 mm, l’armement principal de l’engin blindé, dont la portée peut atteindre deux kilomètres. Pour ce jeune chasseur, engagé récemment au régiment, Cerces est une expérience précieuse. Il peut tirer en conditions réelles sur un terrain exigeant et dans un panorama à couper le souffle. Le fracas des explosions retentit dans toute la vallée.

Les soldats s’entraînent à affronter un adversaire dont les équipements égales ceux de l’armée française. Chacun doit se préparer à un engagement majeur. Au total, une centaine d’obus sont tirés par l’escadron dans la journée. Le colonel Flore, chef de corps du 4e RCh, met en exergue l’importance de cet exercice : « Cerces nous prépare à de possibles interventions de haute intensité dans des zones de conflits à l’est de l’Europe, qui regorgent d’espaces montagneux (Caucase, Liban, Balkans), ou dans des zones arctiques de plus en plus contestées entre puissances. »

Des tirs incessants de jour comme de nuit

En pleine nuit, le maréchal des logis Nicolas, vigilant et concentré, se tient prêt. Il sait que dès qu’il entendra l’ordre de feu, il devra être rapide. Lorsque que celui-ci arrive enfin, il s’exclame : « Par deux, en charge de 5, premier obus ! Feu ! Feu ! ». Pour ce chef de pièce sur mortier de 120 mm, avec cinq soldats sous ses ordres, aucune place pour l’hésitation.

Les tirs, rapides et précis, délivrés par les artilleurs de montagne, font trembler le grand champ de tir des Alpes. Après plusieurs jours de stationnement en montagne, les soldats du 93e régiment d’artillerie de montagne (93e RAM), accomplissent la mission avec détermination. L’objectif est atteint : appuyer les unités de mêlée au contact direct de l’ennemi. Les tirs incessants, de jour comme de nuit, ne laissent guère de répit aux jeunes combattants. Le canon Caesar notamment, un camion équipé d'un système d'artillerie moderne et performant, délivre des feux de façon mobile et continue.

« L’exercice Cerces permet à l’ensemble des fonctions opérationnelles de la brigade de s’entraîner simultanément et de façon coordonnée dans cet espace de manœuvre unique », commente le colonel Germa, chef de corps du 93e RAM. Responsable de la conduite de cet exercice de tir, il doit notamment veiller à la sécurité de la manœuvre, en permanence. Avec ces tirs réels, la moindre erreur peut avoir des conséquences mortelles.

Cette année, un détachement du 1er régiment d’artillerie de montagne italien était présent pour éprouver et développer l’interopérabilité entre les deux nations alliées. Les soldats Français et Italiens se sont entrainés à combattre ensemble afin de rendre leurs modes opératoires et leurs systèmes d’information et de communication coopérants.

« Les forces morales sont mises à rude épreuve »

Pour les soldats du 7e bataillon de chasseurs alpins (7e BCA) et du 27e bataillon de chasseurs alpins (27e BCA), Cerces est un moment très attendu. Les opérations en “milieu montagne grand froidʺ façonnent les forces mentales et impose de se surpasser.

Malgré ce milieu hostile, les chasseurs alpins avancent dans la neige avec leurs armes et leur sac de combat de plus de quinze kilos. Chef de section au 4e RCh, le lieutenant Augustin commande son peloton blindé avec passion. Il précise : « Les forces morales sont mises à rude épreuve mais c’est dans l’adversité qu’on construit un tempérament d’acier ».

Aux côtés de leurs camarades de l’armée d’active, une quinzaine de réservistes du 4e RCh, parfaitement intégrés, renforcent le dispositif. C’est le cas du maréchal des logis Pierre, chef de patrouille sur VBL. En poste depuis cinq ans à Gap, ce jeune commerçant a troqué sa tenue civile contre le fameux treillis zone enneigée des troupes de montagne. Ensemble, ces soldats progressent dans ce milieu extrême.

Face au retour de la guerre en Europe, l’armée de Terre doit appréhender et maîtriser toutes les dimensions d’un conflit. L’arrivée de nouveaux matériels comme les drones ou les quads chenillés vient renforcer sa montée en puissance technologique.

Pour l’accompagner, la section technique de l’armée de Terre (STAT) apporte son expertise opérationnelle et appuie tous les régiments dans la conduite des programmes d’armement, comme elle le fait par exemple pour le Jaguar, en cours de déploiement et d’expérimentation dans certaines unités de cavalerie légère.

Laboratoire d’emploi, Cerces inscrit la spécificité des troupes de montagne dans la haute intensité et leur permet d’ajuster leur offre tactique à des conflits de plus en plus hybrides. « Désormais, pour conserver l’ascendant tactique sur l’adversaire, il est indispensable d’allier forces morales, rusticité et innovation », conclut le colonel Flore.

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