Djibouti, jusqu’au bout de leurs forces
Texte : Adjudant-chef Anthony Thomas-Trophime
Publié le : 16/09/2025.
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Onze élèves sous-officiers de la nouvelle école de milieu de la 9e brigade d’infanterie de Marine ont rejoint le centre d'entraînement au combat et à l’aguerrissement au désert en mars. Point d’orgue d’une préparation de trois semaines à Djibouti, cette étape vise à développer leur rusticité en vue d’obtenir bientôt le brevet de moniteur commando. Un format d’instruction inédit pour disposer de jeunes cadres opérationnels.
Suspendu au-dessus du vide, à une cinquantaine de mètres au-dessus du sol, le jeune soldat est à bout de force. Le souffle court et les muscles contractés, il s’efforce de garder l’équilibre sur le câble d’acier. « Allez ! Ne lâche rien ! Tu y es presque ! » Les dents serrées et le regard déterminé, il arrive à bout de la tyrolienne, galvanisé par les encouragements de ses camarades.
Encore exténué, il contemple le paysage aride jusque-là occulté par l’effort. En mesurant le parcours accompli, la fatigue sur son visage laisse place à la fierté. Il est parvenu à dompter la redoutable ʺvoie de l’inconscientʺ, la célèbre piste d’audace du Centre d'entraînement au combat et à l’aguerrissement au désert (Cecad) de Djibouti.
Pour les onze élèves volontaires sous-officiers (EVSO) de l’école de la 9e brigade d’infanterie de Marine (9e BIMa), cette activité de haut vol s’inscrit dans un stage d’aguerrissement du 6 au 13 mars. Elle clôture une formation de trois semaines comprenant des phases de combat, de tirs et un raid accompagné d’une caravane de dromadaires.
« Au-delà de découvrir les spécificités propres à ce milieu rude, les stagiaires repoussent ici leurs limites physiques que mentales », explique le capitaine Christophe, chef du Cecad. Les futurs cadres de la 9e BIMa sont intégrés à un escadron du 1er régiment de hussards parachutistes, en mission de courte durée au 5e régiment interarmes d’Outre-mer. Cette immersion leur donne un avant-goût de la vie en unité et l’occasion de côtoyer des sous-officiers expérimentés.
« Même si elles n’ont que six mois de service, les recrues suivent l’intégralité du stage au même titre que le reste du détachement. Hommes ou femmes, du plus jeune au plus ancien, le barème est le même pour tous », précise le capitaine. Cette expérience pour les élèves sous-officiers de ″l’école de la 9″ est une première. Elle offre l’opportunité d’une formation en petit groupe et focalisée sur l’environnement dans lesquels ils seront engagés dans les troupes de Marine.
C’est tout l’intérêt des nouvelles écoles de milieu : donner des bases solides à cette nouvelle génération de chefs de groupe prêts à commander leurs hommes sur le champ de bataille.
Sur terre et en mer
Au Cecad, les corps et les esprits ont été éprouvés à plus d’un titre. De jour comme de nuit, les stagiaires n’ont pas été ménagés par les instructeurs. Bien au contraire. Tout d’abord, ils ont dû réussir les tests d’aptitude avec une marche commando de 6 kilomètres et 150 mètres de nage militaire (habillé) avec une phase d’apnée. Tenir l’effort sous la chaleur et montrer une aisance aquatique sont les prérequis indispensables pour participer à la semaine d’aguerrissement.
La majorité des recrues a réussi cette phase de présélection mais le chemin est encore long avant l’obtention du pin's tant convoité. Aussi dense que varié, le programme plonge les militaires dans un état de fatigue quasi perpétuel : survie, ateliers de franchissement vertical, combat de nuit, brancardage. « Le rythme est soutenu. Cela permet de révéler aussi bien la personnalité de nos stagiaires que l’état d’esprit du groupe », soutient le capitaine Christophe.
Les effectifs de formation de l’école de la 9 tripleront l’année prochaine.
Les activités se déroulent sur terre et en mer. Implanté sur la plage d’Arta aux abords du golfe de Tadjourah, le centre offre un environnement propice à former les futurs sergents de la 9e BIMa, spécialiste du milieu amphibie. D’ailleurs, c’est sur le parcours d’aisance nautique, souvent visité par les tortues, que certains stagiaires échouent en épreuve individuelle.
Treillis sur le dos, ils s'élancent dans l’eau pour nager une cinquantaine de mètres avant d’enchaîner les obstacles tantôt en surface, tantôt sous l’eau, en apnée. Ce challenge, effectué en majeure partie à la force des bras, est à boucler en moins de vingt minutes.
Des bases solides
De l’autre côté, construite sur la roche brûlante, la voie de l'inconscient reste quant à elle, l’épreuve mythique du stage. Vertigineuse, elle constitue un défi de taille pour quiconque s’y aventure. Tyrolienne simple ou double, asperge, saut de puce… Que ce soit seulement pour la boucler ou pour réaliser une performance, les soldats n’ont pas d’autre choix que de se donner à 200 %. La réussite dépend aussi de la mise en application des techniques de franchissement enseignées tout en gardant son sang-froid face à l’appel du vide.
À l’instar de ses camarades, William franchit la voie, exténué. Il est dans les temps, néanmoins, il veut faire encore mieux. Sa soif d’excellence reflète bien l’état d’esprit insufflé par son encadrement. « Je mesure la chance de disposer de tels moyens pour notre formation. Je m’améliore chaque jour », confie le jeune homme qui souhaite rejoindre un régiment d’artillerie.
Pour affronter de telles épreuves, les EVSO ont acquis quelques notions au préalable, avant de rejoindre Djibouti. Fin décembre, ils ont participé à une initiation commando au fort de Penthièvre en Bretagne. « Nous les faisons monter en gamme progressivement dans le domaine de l’aguerrissement, ajoute le lieutenant Frédéric, chef de section de l’école de la 9e BIMa. Leur passage au Cecad constitue le dernier jalon pour les préparer à leur objectif final à savoir l’obtention du brevet moniteur commando en juin au Centre national d'entraînement commando du fort de Mont Louis. Ils seront encore plus éprouvés et en situation de commandement ».
Lors de la cérémonie de remise des brevets, seule la moitié des élèves s’est vue remettre le pin’s surmonté d’un scorpion. Pour les autres, rien n’est encore perdu. Chacun a pris conscience de ses faiblesses et des points sur lesquels il devra travailler.